Forestiers du Maroc

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GESTION ET VALEUR DE L’ALFA

dimanche 19 janvier 2014

En vertu du dahir du 15 août 1928, les terrains couverts d’Alfa font partie du domaine privé de l’état. Cette loi garantit aux tribus voisines le droit d’usage lié au parcours et à la récolte d’Alfa nécessaire aux besoins domestiques.
Le dahir du 20 juin 1930 octroie la gestion, la conservation et l’exploitation des nappes alfatières à l’administration forestière. Ce dahir stipule que :
¨     L’exploitation de l’Alfa dans un but industriel ou commercial n’est cédée que par voie d’adjudication conformément au titre 2 du dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts.
¨     Les conditions de l’exploitation sont globalement régies par le service forestier compétent.
¨     En plus d’adjudications publiques, des marchés de gré à gré et des concessions à long terme furent passés avec les exploitants alfatiers.
Enfin, les nappes sont régies aussi par le dahir du 20 septembre 1976, définissant les conditions d’organisation de la participation des populations au développement de l’économie forestière

 Fonction écologique :

Les nappes alfatières jouent un rôle considérable sur le plan écologique.

·        Protection contre l’érosion et l’ensablement :

Elle  participe d’une manière efficace au maintien de l’équilibre de l’écosystème local et à la lutte contre la désertification dans les zones arides et pré-sahariènnes.
Les touffes d’Alfa garantissent la protection du sol contre l’érosion éolienne d’une part, en formant des brise-vents qui atténuent la vitesse du vent au ras du sol et retiennent les éléments transportés, et contre l’érosion hydrique, d’autre part, en réduisant l’effet Splash (amortissement de la chute des gouttelettes de la pluie) grâce à son feuillage.
Elles contribuent aussi par leur système racinaire au stockage d’eau plus au moins en profondeur en limitant le ruissellement surtout sur les terrains en pente.

·        Habitat de la faune sauvage :

Les touffes d’Alfa abritent une véritable biocénose. Elles constituent donc un milieu de vie privilégié pour sa reproduction et le développement de ses éléments. A la base des touffes, on trouve plusieurs espèces phytophages, xylophages et granivores, alors qu’au sommet on trouve essentiellement les prédateurs.

·        Ornement :

Grâce à son feuillage toujours vert et à sa stature bien dressée, l’Alfa peut être utilisé comme plante ornementale. Les inflorescences produites par cette plante peuvent contribuer à la beauté des sols érodés et constituer des bouquets secs d’attraction (YESSEF et al. 1992 in KHALLADI, 1993).

Fonction socio-économique :

  Exploitation des nappes alfatières :

La production de l’Alfa au Maroc a été toujours conditionnée par les exportations, surtout entre 1924 et 1975, vers l’Europe (Grande Bretagne, France, Espagne…) où il y avait de nouveaux débouchés constitués par l’industrie papetière
¨     Entre 1924 et 1952 : le tonnage était en moyenne de 35000 T/an. Il a été limité par le manque de la main d’œuvre locale et l’absence d’infrastructure et de réseau de transport (chemin de fer) dans les régions productives éloignées.
¨     Entre 1960 et 1973 : la production  a connu une augmentation importante dépassant les 100.000 tonnes. Cette augmentation  est due : d’une part, à l’installation de la voie ferrée, en particulier dans la région orientale ; et d’autre part, à la demande accrue formulée par les usines papetières nouvellement crées en Allemagne,  USA, Portugal et en Italie.
¨     Entre 1973 et 1990 : la production a connu une chute progressive due à l’augmentation des frais de transport vers l’extérieur (après les deux crises pétrolières de 1973 et 1979) et à l’apparition des autres matières premières de substitution.

Tableau 4 : Production et exportation de l’Alfa du Maroc :
X 1000T
Exportation
x 1000T
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
85
103
125
129
78
60
68
60
38
34
47
86
47
14
28
40
28
31
53
11
9
13
9
7
85
86
97
44
97
34
34
28
36
40
29
41
41
43
30
23
20
12
12
9
0,06
0,04
0
0
Cumule
1203
841.1
Source : EAUX et FORET   
Pour les années 1964, 1969, 1973 et 1974, il y a lieu de remarquer que l'exportation de l'Alfa brut est supérieure à la production. Ceci est du au fait que la quantité exportée est composée de la production de l'année en cours et des stocks des années précédentes.
Après l’arrêt de l’exportation de l’Alfa vers l’étranger, les utilisateurs nationaux qui restaient sont :
¨     L’usine PANALFA qui utilisait 3.000 T/an d’alfa pour fabriquer des panneaux de particules dont la majorité était destinée à l’exportation sous forme de têtes de caisses d’emballage armées et de plateaux.
¨     L’usine de SUCRAFOR de ZAIO qui absorbait 10.000 T/an d’alfa dans ses chaudières pour produire de l’énergie.
¨     L’usine d’aliment de bétail SECOPRA de Guenfouda qui pourrait utiliser jusqu’à 40.000 tonnes d’alfa. Malheureusement, cette usine n’a fonctionné qu’une seule année en utilisant 4.400 tonnes d’Alfa, puis elle a fermé.
Vers 1986, et pour des raisons diverses, toutes ces unités ont cessé d’utiliser l’Alfa. Depuis lors, les nappes alfatières du pays sont totalement sous exploitées, excepté pour le parcours et l’usage domestique.

L’Alfa et l’emploi :

L’exploitation bien organisée des nappes alfatières destinées à l’utilisation papetière et énergétique ou à l’alimentation du bétail pourrait assurer la création d’un nombre élevé d’emplois.
D’après EL RHAZI (1998), la possibilité de production égale à 390.000 tonnes d’Alfa sec donnerait l’occasion de créer plus de deux millions de journées de travail durant la période de huit mois (du 1er juillet au 1er mars ) ouvrable à l’exploitation de l’Alfa. Ce chiffre est évalué sur la base de la capacité de cueillette et de ramassage de l’Alfa que pourrait réaliser une personne par jour, estimé à 1,5  à 2 quintaux (BOUDY, 1950 et JAUNET, 1953).
En d’autre terme, plus de 10.000 personnes par jour pourront travailler d’une façon permanente durant les huit mois.
A ceux-ci, il s’ajoute le nombre de personnes que peuvent employer les unités industrielles de la pâte à papier, de la confection des briquettes combustibles, d’aliments de bétail, des panneaux de particules et de la confection des articles artisanaux.
A titre d’exemple, la Tunisie possédant environ 900.000 Ha d’Alfa et avec une exploitation annuelle de 60.000 tonnes à l’usage industriel strictement papetier, emploie 20.000 ouvriers occasionnels et 1.000 permanents.

 L’Alfa et la chasse :

La région de l’Oriental est une zone giboyeuse, très fréquentée par les chasseurs dont le nombre ne cesse d’augmenter d’une année à l’autre. On compte plus de trois millions de chasseurs-jours dans la région (d’après les Eaux et Forêts). Ceci est dû à l’existence d’un couvert végétal très étendu et très dense constitué par l’Alfa. La densité de ses touffes et le grand nombre de leurs feuillages assurent un développement satisfaisant d’un gibier nombreux et varié (lièvres, lapins, perdreaux, outardes…). Ces touffes d’Alfa lui assurent, donc, l’abri et la sécurité pour se reproduire  et se développer ainsi qu’un refuge idéal.

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